Quatrième de couverture:
A quel moment Lester est-il devenu un monstre ? Chassé de chez lui, il erre dans les montagnes comme un charognard guettant ses proies. Ses raisonnements se simplifient, les actes laissent place aux pulsions et ses gestes deviennent ceux d'un animal traqué. Un monologue où se mêlent insultes et sanglots s'élève dans sa grotte peuplée de cadavres ; le grognement à peine humain d'un enfant de Dieu.
"Il est petit, crasseux, mal rasé, une brutalité contenue. Un enfant de Dieu, sans doute comme vous et moi"
Comment parler de ce livre? Je me le demande, je me dis que je manque un peu de recul pour un univers si riche et que j'y reviendrai sûrement plus tard avec les mots que je n'ai pas su trouver en le refermant.
Tout d'abord, je me suis basée sur une traduction de Guillemette Belleteste pour Actes Sud. Une excellente traduction très littéraire avec laquelle on ressent toute la puissance de l'auteur.
Une écriture musicale, poétique mais aussi terriblement crue. Aucun mot de trop, chacun est à sa place, le génie de ce roman est sans doute là. Il raconte la déchéance d'un homme comme vous et moi, qui incapable de payer ses créanciers, perd sa ferme. Il est alors obligé de se réfugier dans une cabane dans des conditions terribles. Peu à peu, sa raison bascule et nous suivons sa déchéance, d'homme brisé à homme meurtrier. Toute sa violence primitive semble "accompagnée" par une nature contemplative. Ici, les bois, les rivières, les montagnes, la forêt deviennent des personnages à part entière. La nature l'accompagne tout au long du roman :" Tandis qu'il s'approchait de la ville, les coqs se mirent à chanter. Peut-être percevaient-ils un fléchissement dans l'obscurité de la nuit que le voyageur ne déchiffrait pas bien qu'il eût les yeux fixés vers l'est. Une certaine fraîcheur de l'air. Partout à travers la campagne endormie ils chantaient et se répondaient les uns aux autres. Maintenant comme autrefois. Ici comme partout ailleurs. L'aube était là quand il se présenta [...]"
Quelques extraits valent mieux que des longs discours:
" A observer ces choses qui émergent d'une matinée par ailleurs silencieuse et champêtre, un homme, devant la porte de la grange. Il est petit, crasseux, mal rasé. Il se déplace dans la balle sèche au milieu de la poussière et des lames de soleil avec une brutalité contenue. Du sang saxon et celte. Un enfant de Dieu, sans doute comme vous et moi. Les guêpes traversent l'échelle de lumière que dessinent les lames de la grange en une succession de moments strobiques, dorés et tremblants entre le noir et le noir, comme des lucioles au plus dense de l'obscurité. L'homme debout les jambes écartées a fait dans l'humus sombre une flaque plus sombre où tourbillonnent une pâle écume et des brins de paille. Reboutonnant son jean, il se déplace le long du mur de la grange, lui-même moiré de lumière, une facétieuse fulgurance dans l'oeil proche de la cloison."
"Il réapparut se débattant, crachant, et se mit à battre l'eau pour rejoindre la rangée de saules qui délimitaient la berge submergée de la rivière. Il ne savait pas nager, mais comment un type comme lui aurait-il pu se noyer? La rage semblait lui tenir lieu de bouée. Une pause dans le cours normal des choses sembla se produire en ce lieu. Regardez-le. On aurait pu dire qu'il était porté par ses semblables, des gens comme vous. Qu'il en avait peuplé le rivage et qu'ils l'appelaient. Une race qui nourrit les estropiés et les fous, qui veut de leur sang mauvais dans son histoire et l'obtient. "